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Les étoiles perdues d’Oméga du Centaure

Date de publication : 30/04/19

Thèmes[Presse] Recherche 

Une équipe de chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), de l’Observatoire de Bologne et de l’Université de Stockholm ont mis en évidence un courant d’étoiles qui ont vraisemblablement été arrachées à l’amas globulaire Oméga du Centaure par la Voie Lactée. Parmi les 1,7 milliards d’étoiles du catalogue Gaia DR2, ils ont identifié 309 étoiles qui semblent indiquer que cet amas globulaire pourrait en réalité être le résidu d’une galaxie naine malmenée par l’interaction gravitationnelle avec notre Galaxie. Cette découverte apporte un éclairage nouveau sur l’histoire de la formation de notre Galaxie, marquée par l’accrétion de petites galaxies, dont certains amas globulaires pourraient aujourd’hui être les vestiges. Ces recherches ont été publiées dans la revue Nature Astronomy le 22 avril 2019.

En 1677, Edmond Halley nomme Oméga du Centaure (ω Cen) ce qu’il pense être une étoile qu’il a observée dans la constellation du Centaure. Mais John Herschel réalisera en 1830 qu’il s’agit en fait d’un amas globulaire qui peut être résolu en étoiles individuelles. Nous savons aujourd’hui qu’Oméga du Centaure est l’amas globulaire le plus massif de la Voie Lactée: il contient plusieurs millions d’étoiles vieilles d’environ 12 milliards d’années, et situées à environ 18,000 années-lumière de nous. Mais la nature exacte de cet objet fait débat: s’agit-t-il vraiment d’un amas globulaire, ou bien pourrait-il être un résidu, le cœur d’une galaxie naine dont la périphérie aurait été dispersée par la Voie Lactée?

Cette dernière hypothèse repose en particulier sur le fait que ω Cen contient plusieurs populations d’étoiles, avec une grande dispersion de métallicités (la teneur en éléments lourds) et des cinématiques qui trahissent une formation sur une période de temps étendue. Un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse serait de trouver des débris de l’amas dispersés le long de son orbite dans la Voie Lactée. En effet, lorsqu’une galaxie naine interagit avec une galaxie massive comme la nôtre, des étoiles sont arrachées par les forces de marées gravitationnelles résultant de l’interaction avec la Voie Lactée, et ces étoiles restent un temps visible sous forme de courants stellaires, avant de se disperser dans le halo de la galaxie massive.

En analysant les données astrométriques du satellite Gaia (Gaia DR2) avec un algorithme nommé STREAMFINDER développé à Strasbourg, les chercheurs ont mis en évidence plusieurs courants d’étoiles. L’un d’eux, baptisé structure de Fimbulthul (nommé d’après l’un des fleuves qui existaient au début du monde dans la mythologie nordique), contient 309 étoiles s’étirant sur 18°, dont deux étoiles pour lesquelles Gaia a aussi mesuré une vitesse radiale.

En modélisant les trajectoires des étoiles, il apparaît que la structure de Fimbulthul peut correspondre à un courant de marée d’étoiles arrachées à ω Cen, s’étendant jusqu’à 28° de l’amas. Des observations spectroscopiques de 5 étoiles de ce courant avec le Télescope Canada France Hawaii montrent que leurs vitesses sont très similaires, et qu’elles ont des métallicités comparables aux étoiles de ω Cen, ce qui renforce l’idée que c’est bien un courant de marée lié à l’orbite de ω Cen qui est détecté.

Les chercheurs ont ensuite pu appliquer un filtre pour sélectionner, dans les données Gaia DR2, la portion du courant de marée dans la zone très encombrée à proximité immédiate de l’amas. Des modélisations plus poussées du courant de marée pourraient permettre de contraindre l’histoire dynamique de la galaxie naine progéniteur de ω Cen, et permettre de trouver encore plus d’étoiles perdues par ce système dans le halo de la Voie Lactée.

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Rodrigo Ibata lauréat d’un ERC advanced grant

Quelques jours avant cette publication, Rodrigo Ibata a été lauréat d’un ERC (European research council) advanced grant 2018, pour le projet Accelerating Galactic Archaeology (GREATDIGINTHESKY) qui propose d’étudier les différentes natures possibles de cette matière invisible, dite « matière noire », et d’émettre des propositions sur la nature des interactions gravitationnelles qu’elle engendre. Cette bourse de 2,5 millions d’euros va permettre à l’équipe de chercheurs d’être plus compétitive au niveau international et de mener un projet sur 5 ans autour du champ d’accélération de notre galaxie.

Rodrigo Ibata est directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS – Université de Strasbourg). Originaire du Royaume-Uni, il commence ses travaux à l’université de Colombie-Britannique et passe par l’Observatoire européen austral et l’Institut Max Planck d’astronomie en Allemagne avant de rejoindre l’Observatoire de Strasbourg en 2000. Il reçoit la médaille de bronze du CNRS en 2005 pour ses recherches sur les galaxies proches et leurs interactions.

En savoir plus

Contact chercheur : Rodrigo Ibata, 03 68 85 23 91

Contact presse : Christine Guillot, 03 68 85 14 36

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