Aux origines de l'université, l'humanisme rhénan
Invention de l’imprimerie, découverte de l’Amérique, naissance du protestantisme, intérêt pour l’Antiquité : en Europe, les 15e et 16e siècles sont une période d’effervescence artistique et intellectuelle qui marque une rupture avec le passé proche, que l’on a appelé le Moyen Âge. C’est dans ce contexte qu’apparaît l’humanisme, une nouvelle façon de penser et de représenter l’être humain et, plus largement, le monde. À cette époque, l’Alsace fait partie de l’espace rhénan qui, avec l’Italie, sera au cœur des bouleversements culturels, scientifiques et religieux qui affectent l’ensemble du monde de la chrétienté.
Au 14e siècle, Strasbourg, ville germanophone et protestante du Saint-Empire romain germanique, voit s'établir deux écoles importantes. D'une part le studium generale, fondé par les franciscains et les augustins, et d'autre part une école de théologie dirigée par les dominicains. Dans le contexte de la Réforme protestante et du courant humaniste, l'éducation supérieure évolue. En 1536, le pédagogue humaniste Jean Sturm (aussi appelé Johannes Sturm) est chargé de réformer les écoles de Strasbourg. Il rédige un traité pédagogique qui servira de base à la fondation du Gymnase protestant, le 22 mars 1538.
En 1566, l'empereur Maximilien II de Habsbourg autorise la transformation du Gymnase en Académie. Cette nouvelle institution est habilitée à délivrer les grades de bachelier et de maître ès arts. L'Académie comprend quatre facultés (philosophie, médecine, théologie et droit), mais seule la Faculté de philosophie peut alors délivrer les grades.
En 1621, l'empereur Ferdinand II élève l’Académie au rang d’université, permettant ainsi la formation de docteurs dans diverses disciplines.
En 1681, sous le règne de Louis XIV, Strasbourg est finalement annexée par la France, et l’université passe sous contrôle français.
18e et 19e siècles : Disparition et reconstruction
La Révolution française supprime l’université en 1793, mais le Gymnase continue à assurer l’enseignement secondaire. Pendant les années qui suivent, Strasbourg demande et obtient l’ouverture de plusieurs écoles : médecine, pharmacie et droit. Ces écoles seront transformées en facultés en 1808 lors de la création de l’Université impériale. Le Gymnase devient un lycée en 1828. En 1825, l'université s’installe dans de vastes locaux situés rue de l’Académie. Louis Pasteur y aura notamment son bureau.
En 1871, l’Allemagne annexe Strasbourg, ce qui pousse le gouvernement français à créer une nouvelle université à Nancy et à y transférer les facultés strasbourgeoises. Le programme de reconstruction de la ville de Strasbourg, organisé par l’empereur allemand Guillaume Ier et son chancelier Otto von Bismarck, comprend la création de la Kaiser-Wilhelm-Universität et de la future Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Dans les années qui suivent, l’université s’enrichit de nombreux bâtiments, dont le Palais universitaire, le Jardin botanique de l’université et l’Observatoire astronomique. Le nouveau campus est inauguré par l’empereur dès 1884.
Sous l'influence du modèle Humboldtien de l'enseignement supérieur, la recherche et l'enseignement sont combinés dans la nouvelle université. Les investissements prussiens encouragent un foisonnement scientifique, notamment de la recherche dans le domaine des sciences naturelles. C'est l'ère des pionniers, et l'Université de Strasbourg est le théâtre de découvertes et d'inventions qui transformeront le monde : Charles Frédéric Gerhardt y synthétise l'aspirine, Anton de Bary apporte de très importantes contributions au développement de la botanique et Ferdinand Braun développe un tube cathodique qui permettra le développement de l'oscilloscope et des premières télévisions. C'est également à la Kaiser-Wilhelm-Universität qu'Albert Schweitzer, futur prix Nobel de la paix, étudie et commence à enseigner.
Découvrez les personnalités prestigieuses qui ont étudié et travaillé à l'Université de Strasbourg
Cette culture de l'innovation est toujours centrale à l'Université de Strasbourg, aujourd'hui actrice majeure de l’innovation scientifique et technologique. Ses laboratoires et centres de recherche sont à l’origine de découvertes qui façonnent l’avenir dans des domaines aussi variés que la physique quantique, l’astronomie, la médecine et la géoinformatique. On peut citer par exemple l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS) où a été réalisée la première LED composée d’une seule molécule, le Centre européen des sciences quantiques (CESQ) (site en anglais) – un pôle trinational de recherche en physique quantique, chimie, matériaux, photonique et informatique, ou encore le Centre de données astronomiques de Strasbourg (CDS) – un centre de données de référence en astrophysique au niveau international.
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1918 – 1939 : Une université française
En 1919, le traité de Versailles rend l’Alsace et l’Université de Strasbourg à la France. 150 universitaires allemands et alsaciens pro-allemands sont expulsés et le français devient la langue d’enseignement à l’université. L’Alsace étant allemande au moment de la loi de séparation des Églises et de l’État, l’université compte encore des facultés de théologie protestante et catholique. Elles obtiennent un statut dérogatoire par décret du 30 mai 1924. Tout au long de son histoire, l'Université de Strasbourg reste un lieu de réflexion sur le fait religieux, le dialogue entre les religions et la laïcité. Elle accueille notamment, tous les 2 ans, le Forum des religions. Cet évènement réunit des universitaires, théologiens, philosophes, représentants des cultes, écrivains et artistes pour échanger autour de thèmes en lien avec la religion.
Découvrez les rencontres et évènements de l'Université de Strasbourg
En 1923, au lendemain de la Première Guerre mondiale, des étudiants créent l'Association générale des étudiants de Strasbourg (Ages) pour venir en aide aux étudiants revenus du front. Devenue Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges) en 1926, c'est aujourd'hui la plus ancienne association générale et fédérative étudiante de France. En plus d'un siècle d'existence, elle a développé de nombreuses initiatives pour les étudiants : restaurant universitaire La Gallia, centre de médecine préventive, club de sport universitaire, etc.
En savoir plus sur l'Afges – les étudiant-e-s d'Alsace
1939 – 1945 : Une université résistante
En 1939, l’Université de Strasbourg est évacuée à Clermont-Ferrand pour la durée de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1941, des activités de résistance commencent à l’université. Les nazis mènent plusieurs rafles dans les locaux universitaires et les résidences étudiantes. En 1947, elle est la seule université décorée de la médaille de la Résistance avec rosette.
En savoir plus sur l'Université de Strasbourg pendant la Seconde Guerre mondiale
Dès 1940, les autorités de l’occupation allemande rouvrent l’Université de Strasbourg et cherchent à faire rentrer les professeurs et étudiants. Un grand nombre d'entre eux refuse. En 1943, les nazis établissent la Reichsuniversität Straßburg (Université du Reich de Strasbourg) dans les locaux de l’université. Certains professeurs y mènent des recherches sur l'arme atomique et des expériences sur des prisonniers du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. L’Université de Strasbourg a mis en place une Commission historique, internationale et indépendante afin d’éclairer l’histoire de la Reichsuniversität Straßburg. Créée en 2016, elle a publié ses résultats le 3 mai 2022.
1960 – 2009 : Une université unie et tournée vers l’international
Dans les années 60, l’université doit s’adapter à une forte croissance du nombre d’étudiants. Elle construit le campus central de l'Esplanade, le campus d’Illkirch est inauguré en 1978 et le campus de Cronenbourg en 1998. Le développement se poursuit avec l’Opération campus à partir de 2008.
En savoir plus sur l'Opération Campus
En 1966, des étudiants proches de l'internationale situationniste prennent le contrôle de l'Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (AFGES) et publient en 10 000 exemplaires la brochure De la misère en milieu étudiant. Les idées présentées par ce document auront une forte influence sur les évènements de mai 1968.
La loi Faure de 1968 divise l’université en trois établissements :
- Strasbourg I (Université Louis Pasteur) pour les disciplines scientifiques
- Strasbourg II (nommée Université Marc Bloch en 1998) regroupant les lettres et les sciences humaines
- Strasbourg III (nommée Université Robert Schuman en 1987) réunissant les enseignements des domaines juridique, politique, social et technologique
Les trois universités restent proches. En 1991, elles s’associent à la région Alsace, au département du Bas-Rhin et à la Communauté urbaine de Strasbourg pour créer le Pôle universitaire européen de Strasbourg.
Un campus européen du 21e siècle
Dès 2008, les universités se dotent d’une fondation, la Fondation de l’Université et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui renforce leur autonomie financière. Dans un souci de visibilité à l'international et d'interdisciplinarité dans les formations et la recherche, ce rapprochement aboutit en 2009 à la fusion des trois structures au sein de l’Université de Strasbourg.
En 2012, le projet « Par-delà les frontières - l’Université de Strasbourg » porté par l’Université de Strasbourg en partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est lauréat de l'appel à projets national Initiatives d’Excellence (IdEx). L'IdEx, destinée à faire émerger des pôles universitaires français de rang mondial, permet à l'Université de Strasbourg de consolider sa position d’université européenne hautement compétitive et de mener une politique de déploiement aux meilleurs standards internationaux.
L’université affirme son ancrage dans le territoire alsacien en 2013 avec le rattachement de l’Université de Haute-Alsace et la signature du premier contrat de site alsacien qui réunit aujourd’hui 7 établissements pour accroître leur rayonnement et renforcer leur coopération.
Découvrir les établissements associés du contrat de site alsacien
Ville clé de la construction européenne, Strasbourg accueille le Parlement européen et le siège du Conseil de l’Europe. Le 10 août 1949, c’est dans l’Aula du Palais universitaire que se tient la première séance du Conseil de l’Europe. La présence de ces institutions influence la recherche et l’enseignement au sein de l’Université de Strasbourg. En 1953, l'université crée l'Institut des hautes études européennes, intégré à l'Institut d'études politiques de Strasbourg en 2012. En 1989, elle fonde avec d'autres universités de la région trinationale du Rhin supérieur la Confédération européenne des universités du Rhin supérieur (Eucor), qui deviendra le groupement européen de coopération territoriale (GECT) Eucor - Le campus européen en 2015. C’est également à Strasbourg que le professeur Raymond Poidevin organise en 1984 le premier colloque consacré à l’histoire de la construction européenne. Cette tradition d’études européennes et la présence des institutions ont permis à l’Université de Strasbourg de développer une expertise sur les questions européennes.
L’ADN européen de l’Université de Strasbourg s’exprime également à travers des collaborations ambitieuses, notamment dans le cadre d’appels à projets Erasmus+. En 2019, elle s’allie ainsi à 9 universités européennes au sein d’EPICUR (European Partnership for an Innovative Campus Unifying Regions). Elle mène également plusieurs actions Jean Monnet, dont le premier centre d’excellence Jean-Monnet franco-allemand.
Découvrez l'engagement de l'Université de Strasbourg pour l'Europe
Tournée vers l’Europe et l’international, l’université fait partie de nombreux réseaux et alliances :
- Utrecht Network, rejoint en 1989
- LERU – La ligue des universités de recherche européennes, créée en 2002
- Eucor – Le Campus européen, créé en 2015
- Ufaz – L'Université franco-azerbaïdjanaise, créée en 2016
- EPICUR – European Partnership for an Innovative Campus Unifying Regions, créé en 2019
Découvrez les partenaires, alliances et réseaux de l'Université de Strasbourg
Une université tournée vers l’avenir
À l’heure de l’intelligence artificielle, de l'urgence climatique et des transformations sociétales, l'Université de Strasbourg continue de conjuguer son héritage humaniste avec l’innovation scientifique. Son projet « Stratégie 2030 » fixe une ambition claire : excellence académique, responsabilité sociétale et rayonnement mondial.
Ressources utiles
- L'Université de Strasbourg sur Wikipedia, l'encyclopédie libre
- BISCHOFF Georges et KLEINSCHMAGER Richard. L'université de Strasbourg : cinq siècles d'enseignement et de recherche. Strasbourg, La nuée bleue, 2010. 297 pages.