Sentinelles de l’immunité présentes notamment dans le sang et les muqueuses, les cellules dendritiques repèrent les agents infectieux grâce aux récepteurs qu’elles portent à leur surface et alertent les autres acteurs du système immunitaire. En particulier, le récepteur DC-SIGN reconnaît certaines protéines sur lesquelles sont greffées des sucres, arborées par les pathogènes tels que le virus Ebola. Mais certains virus détournent ce récepteur et s’en servent pour infecter les cellules.
Pour bloquer l’infection, une piste consiste à concevoir des molécules qui se lient au récepteur avec une affinité plus grande que les pathogènes. Pour y parvenir, les chimistes se sont tournés vers des molécules ramifiées géantes, appelées dendrimères, portant des sucres au bout de leurs nombreuses branches. Cependant, la synthèse de ce type de molécules nécessite en général un grand nombre d’étapes : elle reste donc extrêmement fastidieuse et souffre d’un faible rendement.
Une collaboration internationale de chimistes a trouvé un moyen de considérablement accélérer ce processus en réduisant le nombre d'étapes de synthèse à seulement 6 contre 20 auparavant, grâce à une approche appelée chimie click. Il s'agit, ni plus ni moins, de la croissance dendritique la plus rapide jamais réalisée. Le rendement global de cette technique est assez élevé, de l’ordre de 20 %.
La capacité de ces méga-molécules à inhiber l’entrée du virus Ebola a été testée in vitro. Ces composés sont solubles dans l’eau et ne présentent aucune toxicité pour les cellules en culture. Leur activité antivirale s’est révélée remarquable – supérieure de 33 % à celle des antiviraux classiques. Cette efficacité est due au grand nombre de sucres périphériques de la molécule.
Au-delà du virus Ebola, d’autres pathogènes (comme le virus du sida et celui de la dengue) utilisent aussi le récepteur DC-SIGN comme porte d’entrée dans les cellules. Ceci ouvre donc le champ d’applications possibles pour ces méga-molécules. Cependant, avant que des molécules construites sur ce principe ne se retrouvent peut-être sur le marché, il reste de nombreuses étapes de développement et de tests in vivo.
* Structures ayant participé à cette recherche : Laboratoire de chimie moléculaire (CNRS/Université de Strasbourg), Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg), Universidad Complutense (Madrid, Espagne), Universidad de Sevilla (Seville, Espagne), Université de Namur (Belgique), Laboratorio de Microbiología Molecular (Madrid, Espagne).