Lumière sur les moteurs moléculaires : des matériaux amorphes qui s’auto-organisent

Publié le 27 mai. 2025

    Les professeurs Nicolas Giuseppone, Institut Charles Sadron (ICS, CNRS), Jean-Marie Lehn, Institut de Science et d’ingénierie supramoléculaires (ISIS, CNRS/Unistra), et leurs collaborateurs ont mis en évidence un phénomène inédit : en activant des moteurs moléculaires à l’aide de la lumière, il est possible de transformer une matière amorphe, sans forme ni fonction, en une matière structurée à l’échelle du nanomètre. Une découverte qui ouvre la voie à une nouvelle génération de matériaux, capables de s’auto-organiser, de s’auto-réparer et de s’adapter à la demande. Ces résultats ont été publiés le 23 mai 2025 dans la revue Nature Nanotechnology.

    Lien vers la publication : https://www.nature.com/articles/s41565-025-01933-0.epdf?sharing_token=DLx1G3t-dFi44OPA3K5JeNRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0MDh8tl856iWqzcp0C-rEGodPn5mOFOCVy78Cf7_-xEwlzVyNYM_kCfBPGww5XEVe-P5DJxsA2XJ9i81_obJvKQsMt_rJE201OAvlNLcUdD6FahCI4gJjagr25fQcffxMY%3D

    Dans les cellules vivantes, il existe des moteurs biologiques, véritables machines moléculaires, qui participent à l’organisation de réseaux polymères complexes. Les scientifiques ont réussi à mimer ce phénomène à l’aide de simples moteurs rotatifs moléculaires artificiels capables de se regrouper à l’interface air-eau. Une fois comprimés, ces moteurs forment un film moléculaire non structuré. Et c’est sous l’effet de la lumière que la magie opère : les moteurs se mettent en mouvement et déclenchent une organisation spontanée de la matière.

    Ce changement s’explique par un processus actif de polymérisation supramoléculaire : les moteurs, en tournant, sortent le matériau d’un état désordonné, dit « piégé cinétiquement », pour l’amener vers une organisation hautement structurée. « C’est un peu comme si un moteur de voiture, via sa rotation, entraînait toute une chaîne de transformations moléculaires », explique Nicolas Giuseppone. Résultat : des fibres longues et parfaitement organisées à l’échelle du nanomètre se forment spontanément, alors qu’aucune propriété particulière n’était observable au départ.

    Autre atout de ces systèmes : leur capacité d’auto-réparation. Si le matériau est endommagé, il redevient amorphe. Mais sous l’effet d’une nouvelle impulsion lumineuse, il peut se réorganiser à l’identique, comme s’il “se souvenait” de sa forme.

    Les chercheurs ont utilisé la microscopie à force atomique, un outil capable de lire les surfaces au nanomètre près, comme une tête de lecture sur un vinyle. Cette technique a permis de visualiser en direct les différentes étapes du processus : du matériau amorphe aux premières fibrilles jusqu’à la formation finale de motifs parfaitement organisés.

    L’observation de ce comportement ouvre des pistes enthousiasmantes :

    • Créer des matériaux conducteurs à base de fibres organisées pour la construction de nanocircuits électroniques,
    • Concevoir des surfaces dynamiques nanostructurées, pilotées par la lumière,
    • Modifier à volonté les propriétés mécaniques des matériaux (souplesse, dureté…) en jouant sur leur organisation moléculaire.

    Avec la perspective d’une matière active capable de s’auto-organiser, de s’auto-réparer mais aussi d’évoluer, en réponse à une modification de son environnement, cette découverte amorce une révolution dans la conception de matériaux motorisés innovants. 

    Cette étude a été financée par le réseau de formation innovante (ITN) « ArtMoMa » du programme H2020 de la commission européenne, permettant le financement pendant quatre ans de quinze doctorants à travers différents laboratoires européens.

    Contact scientifique :
    Prof. Nicolas Giuseppone, Institut Charles Sadron (CNRS) : giuseppone@unistra.fr

    Contacts presse 
    Université de Strasbourg Mathilde Hubert | mathilde.hubert@unistra.fr
    Bureau de presse du CNRS : presse@cnrs.fr 

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