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Soirée de soutien à Pinar Selek du 18 février 2013

Mis à jour le 27 nov. 2025 |

Publié le 18 fév. 2013

Portrait de Pinar Seleck
  • Mots-clés
    liberté académique Pinar Selek

Je voudrais simplement vous dire pourquoi il est évident, il est indispensable mais aussi que c’est une évidence que l’université que je représente parle ici, ce soir, en faveur de Pinar Selek. 

Mais ce soir, chère Pinar, je ne suis pas là seulement pour te défendre toi, pour te soutenir, pour partager ton combat. Je suis aussi, je suis surtout là pour défendre ce que tu représentes, ce que toi tu as rappelé à la justice turque, mais qu’il importe que nous rappelions au monde entier. 

Car la défense de Pinar Selek, c’est aussi la défense de la liberté académique, la valeur fondamentale de l’université. Trois de nos anciens illustrent au plus haut niveau cette valeur : l‘historien Marc Bloch, le mathématicien et philosophe Jean Cavaillès et le médecin et épistémologue Georges Canguilhem. Oui, tous les trois furent des figures majeures dans leur domaine, des chercheurs reconnus, des enseignants prestigieux. Oui, tous les trois furent aussi des héros de la Résistance, nous montrant ainsi que les valeurs universitaires ne peuvent conduire qu’à un engagement total. Justement, ce soir, nous devons nous rappeler qui ils furent, et ce qu'ils ont fait, pour avoir nous aussi aujourd'hui le courage de porter et défendre nos valeurs, car ces valeurs sont universelles, et donc inconditionnées. Et c’est bien cela que nous rappelle le combat de Pinar Selek. 

Oui la liberté académique et l'indépendance de la recherche ce n'est pas quelque chose de coutumier, ou de contractuel : on ne transige pas avec ça, ça ne se marchande pas. On ne peut pas, on ne doit pas s’opposer ou nier la liberté académique, ni en Turquie, ni en France, ni ailleurs. Les universités sont les gardiennes de l'universalité, elles doivent assumer cette responsabilité ; au fond, Pinar Selek offre à l'Université de Strasbourg une occasion unique de le rappeler. 

Et comprenons nous bien ; ce discours n’est pas qu’un petit plaidoyer égoïste ou corporatiste, c’est tout simplement le rappel de notions fondamentales. Ces fondamentaux ont été rappelées par l'Unesco (on rappelera que dans Unesco, ESC c’est l'éducation, la science et la culture) :  « Les enseignants de l'enseignement supérieur ont le droit d'enseigner à l'abri de toute ingérence dès lors qu'ils respectent les principes professionnels reconnus, notamment ceux de la responsabilité professionnelle et de la rigueur intellectuelle à l'égard des normes et des méthodes d'enseignement. (...) Les enseignants de l'enseignement supérieur ont le droit d'effectuer des recherches à l'abri de toute ingérence ou de toute restriction, dès lors que cette activité s'exerce dans le respect de la responsabilité professionnelle et des principes professionnels nationalement et internationalement reconnus de rigueur intellectuelle, scientifique et morale s'appliquant à la recherche. » 

Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’ici, à Strasbourg, nous n’avons pas à nous mêler de ce qui se passe en Turquie. Je rappelle que l’université de Strasbourg a choisi de placer sa stratégie, toute sa stratégie, sous le signe du dépassement des frontières. Parce que justement en matière de recherche, il n'y a pas de frontière, parce que nous sommes tous membres d'une même communauté académique, communauté essentiellement ouverte dont personne ne peut être exclu pour des raisons d'appartenance nationale, ou en raison de différences qui, dans les sociétés, peuvent être des facteurs d'exclusion.

C’est aussi pour ces raisons fondamentales que le Cercle Gutenberg, et en particulier nos deux prix Nobel, soutient Pinar Selek. C’est pour ces raisons fondamentales que j’ai proposé de mettre Pinar Selek symboliquement sous la protection de l’université de Strasbourg, sous forme d’un « asile académique ». 

Pour conclure, chère Pinar, je voudrais bien sûr te dire, au nom de l’université de Strasbourg, « courage, nous sommes avec toi ! » Cela, j’espère que tu le sais. Mais je voudrais surtout te dire merci ! Merci de nous rappeler les valeurs de nos anciens Marc Bloch, Georges Canguilhem, et Jean Cavaillès. Merci, par ton action, de nous rappeler notre impétueux devoir, à nous tous à l'université, notre devoir de vigilance, et d’ouverture. Par ton action, tu nous obliges à continuer, tu es un modèle pour les étudiants, les enseignants, les chercheurs. Et donc chère Pinar, au nom de nos valeurs fondamentales, je te dis aujourd’hui: « tu peux compter sur notre soutien solidaire, sur mon soutien indéfectible tant que durera cette profonde et inacceptable injustice. »
 

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