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Vers une meilleure compréhension des mécanismes de transmission des virus Zika et de la dengue

Date de publication : 25/01/23

Thèmes[Presse] Recherche 

Les moustiques Aedes sont les principaux vecteurs du virus de la dengue et d'autres arbovirus, dont le virus Zika, pour lesquels nous ne disposons à l’heure actuelle ni de vaccin, ni de traitement antiviral. La compréhension des facteurs qui influent sur la transmission des arbovirus des moustiques aux humains est donc une priorité car elle pourrait guider la mise en œuvre de mesures de santé publique susceptibles de limiter, voire même de prévenir les épidémies. Dans une nouvelle étude, une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Strasbourg à l’Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire, en collaboration avec l’Université Fédérale du Minas Gerais au Brésil, ont décrit l’ensemble des virus (le virome) présents chez 800 moustiques collectés dans 6 pays, sur 4 continents. Les scientifiques montrent que sur les 12 virus identifiés, deux d’entre eux n’infectent pas les humains mais augmentent le potentiel de transmission des virus de la dengue et de Zika. Le mécanisme impliqué révèle l’existence d’un nouveau facteur cellulaire détourné par les arbovirus dans les moustiques. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue Nature Microbiology.

La dengue est la maladie infectieuse virale transmise par les moustiques dont la fréquence augmente le plus rapidement dans le monde, causant actuellement 400 millions de nouvelles infections chaque année. Cette augmentation des cas de dengue, mais aussi d’autres maladies causées par des virus transmis par les moustiques (« arthropod-borne viruses » ou arbovirus), comme Chikungunya et Zika, reflète l’expansion géographique des principaux moustiques vecteurs, Aedes aegypti et A. albopictus, notamment en raison de la globalisation des échanges et du changement climatique.

La surveillance virologique des moustiques Aedes adultes par analyse métagénomique[1] peut conduire à une identification précoce des arbovirus circulants et contribuer ainsi à améliorer les mesures de santé publique. Outre les arbovirus, ces méthodes de surveillance ont permis d’identifier, chez les moustiques Aedes, un grand nombre de virus spécifiques aux insectes. Bien que n’infectant pas les mammifères, ces virus sont susceptibles d’avoir un impact sur la dynamique de transmission des arbovirus à l’humain.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les travaux d’une équipe de scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Strasbourg qui a entrepris la caractérisation du virome global des moustiques Aedes à l’échelle de la planète.

En utilisant une technique de séquençage à haut débit de l'ARN[2], couplée à une analyse bio-informatique selon une méthode mise au point dans leur laboratoire, les chercheurs ont réalisé un état des lieux des virus présents chez les moustiques Aedes à travers le monde. Ils se sont appuyés sur un réseau de collaborateurs, la plupart participant au consortium européen ZIKAlliance[3], pour collecter plus de 800 moustiques sur 12 sites différents dans 6 pays sur 4 continents. Ceci leur a permis d’identifier 12 virus circulants, présents chez ces moustiques, dont 5 n’avaient pas encore été décrits jusqu’ici.

Deux de ces 12 virus, PCLV (Phasi Charoen-like virus) et HTV (Humaita Tubiacanga virus)[4], ont attiré l’attention des chercheurs en raison notamment de leur prévalence élevée (ils étaient en effet présents dans plus de la moitié des échantillons). HTV et PCLV n’étaient pas ou peu présents dans les échantillons en provenance d’Afrique, où il y a peu de cas de dengue, par rapport à l’Asie ou à l’Amérique du Sud, où il y en a beaucoup.

Pour savoir si ces deux virus pouvaient avoir un impact sur la transmission de la dengue, les scientifiques se sont intéressés à une petite ville du Sud-Est du Brésil, Caratinga, où la dengue est endémique et pour laquelle ils disposaient d’une collection archivée d’ARNs de plus de 500 moustiques collectés à cet endroit sur une année. Cette analyse d’échantillons collectés sur le terrain a révélé une interaction des deux virus HTV et PCLV avec le virus de la dengue : les moustiques infectés des virus HTV et PCLV avaient une probabilité trois fois plus élevée d’être également infectés par le virus de la dengue.

Les scientifiques ont ensuite confirmé cette observation dans l’environnement contrôlé de l’insectarium de Strasbourg, en montrant que l’introduction des virus HTV et PCLV dans des moustiques de laboratoire, augmentait la réplication des virus de la dengue (DENV) et de Zika (ZIKV). Un taux plus élevé de ces virus raccourcit la période d'incubation extrinsèque, c’est à dire le temps nécessaire aux moustiques infectés pour devenir infectieux. En utilisant une modélisation mathématique, les chercheurs suggèrent que cette capacité infectieuse plus élevée pourrait multiplier le risque de transmission de la dengue et de Zika par cinq quand HTV et PCLV sont présents.

L’ensemble de ces résultats soulève la question du mécanisme par lequel HTV et PCLV affectent la réplication des virus DENV et ZIKV. Les chercheurs ont tenté de trouver quelques explications.

En étudiant l’expression des gènes dans les moustiques infectés par la dengue, en l’absence ou en présence d’HTV et PCLV, les scientifiques ont découvert le rôle important des histones (les protéines qui s’associent à l’ADN pour le compacter et former la chromatine), et tout particulièrement l’histone H4. Leurs résultats montrent en effet que le virus de dengue utilise l’histone H4 pour se multiplier chez le moustique. HTV et PCLV, par un mécanisme qui reste encore à déterminer, maintiennent l’expression de l’histone H4 chez les moustiques infectés, favorisant ainsi cette multiplication du virus de la dengue.

« Une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires qui régissent l’interaction entre ces trois virus parait primordiale pour la suite de nos recherches. Comprendre ce qui favorise la transmission des virus Zika et de la dengue pourrait permettre de proposer des stratégies plus efficaces pour diminuer la transmission du virus à l’humain, et de limiter, voire prévenir les épidémies », conclut João Marques, nouvellement recruté directeur de recherche Inserm et dernier auteur de l’étude.

 

Sources

Mosquito vector competence for dengue is modulated by insect-specific viruses
Roenick P. Olmo et al. 
Nature Microbiology, janvier 2023

https://doi.org/10.1038/s41564-022-01289-4

 

Contacts chercheurs

João Marques
U1257 Réponses immunitaires chez les moustiques/CNRS UPR9022 Modèles insectes d’immunité innée
joao.marques@unistra.fr

Jean Luc Imler
Directeur de l’Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire/CNRS UPR9022 Modèles insectes d’immunité innée

jl.imler@ibmc-cnrs.unistra.fr

 

 

Contact presse
presse@inserm.fr

 

[1] Méthode d'étude du contenu génétique d'échantillons issus d'environnements complexes prélevés dans la nature, ici d’échantillons prélevés à des moustiques donc.

[2] Séquençage d’un très grand nombre de molécules différentes au sein d’un même échantillon

[3] ZIKAlliance est un consortium de recherche multinational et multidisciplinaire composé de 54 partenaires dans le monde entier et coordonné par l'Inserm. ZIKAlliance est financé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne.

[4] Virus qui a été découvert par cette même équipe dans le cadre de précédents travaux.

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