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Déclaration de Michel Deneken, président de l'Université de Strasbourg, suite à l'assassinat de Samuel Paty

Date de publication : 20/10/20

Thèmes[Presse] Étudiants [Presse] Vie de l'université 

De nombreux rassemblements ont réuni des milliers d'entre nous, et des minutes de silence ont été organisées en de nombreux endroits du campus universitaire hier lundi. Au lieu de provoquer un début de résilience, ils ont, au contraire, encore fait monter la colère à mesure que des témoignages d'enseignants venaient briser le silence sur une réalité sourde qui, en certains endroits, est en train de saper les fondements de l'école de la République. L'horreur que nous a inspiré l'acte barbare de l'assassinat de Samuel Paty dévoile le profond malaise qui se vit dans trop de classes de nos écoles. Il nous faut aujourd'hui prendre conscience de ce que signifie cet assassinat.

C'est qu'on s'en est pris à un professeur d'histoire et de géographie dans un établissement scolaire de la République. Des parents d'élève et un prédicateur fondamentaliste ont prononcé une « fatwa » contre un professeur accusé d'insulter une religion. Cet « attentat islamiste caractérisé », selon les termes du président de la République, revêt l'horrible dimension d'une violence symbolique contre les valeurs qui fondent la France. Les commanditaires n'en sont pas une organisation terroriste extérieure, mais vivent au cœur même de notre pays.

La décapitation est une exécution ; elle se réclame d'un ordre supérieur qui prétend imposer sa loi au-dessus de celle des hommes. Quelque chose d'inquiétant, de sourd, nous éclate au visage. Notre République est en danger. Ne nous voilons pas la face. La banalité du mal fait son lit sur la misère sociale. La mort de Samuel Paty libère une parole qui nous interpelle et nous inquiète : beaucoup de professeurs des écoles, des lycées et des collèges témoignent, depuis, qu'ils sont tentés de pratiquer l'autocensure et vivent dans la peur. À leurs témoignages, de plus en plus nombreux, il faut se demander pourquoi ils ne se sentent pas protégés dans l'exercice de leur métier et leur mission d'intégration des élèves dans la République. Celle-ci, laïque et indivisible, n'est pas ennemie des religions ; elle organise et garantit la liberté de conscience de chaque citoyen.

Dans nos facultés, notre université forme les professeurs des écoles, des collèges et des lycées avec l'Inspé de l'académie de Strasbourg. À ce titre je veux d'abord vous exprimer, enseignants, chercheurs, personnels et étudiants de notre université, ma solidarité, mon estime et ma reconnaissance. Nos élèves-professeurs ne doivent pas entrer dans une salle de classe avec la peur au ventre. Si l'histoire et la géographie ou l'enseignement civique sont particulièrement exposés aux contestations en tous genres, aucune discipline n'est épargnée.

Nous ne devons plus accepter que soit dénigré le métier d'enseignant par qui que ce soit. Nous devons défendre nos « profs » plutôt que d'en faire les boucs émissaires pour tout ce qui cloche dans notre société. Puisqu'on rappelle, sur fond de terreur, qu'ils sont la pierre d'angle dans la construction de la conscience des citoyens dès le plus jeune âge, nous devons mieux les former et mettre à leur disposition les moyens de leur assurer l'exercice de leur métier sans craindre pour leur vie. Leur formation étant assurée dans l'université. Je mesure la responsabilité qui nous incombe à nous, universitaires. Nous devons armer tous nos étudiants contre les obscurantismes et les idéologies liberticides de tout acabit en les formant à l'esprit critique, à la démarche scientifique et au débat contradictoire.

Le lieu, choisi avec sa famille, où le président de la République rendra, demain mercredi, l'hommage de la Nation à notre collègue Samuel Paty est ô combien symbolique : la cour d'honneur de la Sorbonne, face aux statues de Louis Pasteur et de Victor Hugo, où depuis 800 ans reste vivante en France la liberté de conscience et de pensée. Ce lieu symbolique met l'université au cœur de ce combat pour les valeurs que nous voulons faire vivre. Avec Jean Cavaillès et Marc Bloch notre université, médaillée de la Résistance, démontre qu'on n'assassine pas la liberté de pensée.

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