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Le « combat biologique sans précédent » des étudiants en santé

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27/03/2020

Médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique (sage-femme) : les facultés de santé et leurs étudiants sont aux avant-postes du combat quotidien contre le coronavirus.

Dans la lutte contre le coronavirus Covid-19, un double front s’est ouvert pour les facultés de santé. Pédagogique, tout d’abord. Les cours magistraux sont dématérialisés, afin d’assurer la continuité pédagogique. En médecine, comme en odontologie, un engagement a été pris : les examens porteront uniquement sur les cours réalisés en présentiel et ceux mis en ligne après le 9 mars. La priorité : tout faire pour éviter l’année blanche. Les principaux concours et examens de fin d'année ont été repoussés, de façon coordonnée au niveau national. En pharmacie, « les enseignants, en lien avec les responsables de formations, la scolarité et l'équipe de direction, réfléchissent à de nouvelles modalités d'évaluation des connaissances et des compétences, tenant d'ores et déjà compte du fait que les stages ne pourront être validés de manière classique, étant donné la présence de nos étudiants sur le terrain », précise le doyen, Jean-Pierre Gies.

En odontologie, une grande part de la formation est consacrée à la pratique préclinique sur simulateurs et à la pratique clinique avec prise en charge de patients, qui ne peut être assurée actuellement. Ces modules devront être rattrapés. La doyenne, Corinne Taddéi-Gross ajoute : « Nous sommes en contact permanent, par courriel et téléphone, avec nos étudiants, pour entretenir le moral de chacun».

« Notre vocation de soignants »

Mais c’est aussi et surtout sur le front de la lutte contre la maladie qu’une mobilisation sans précédent s’organise. « C’est d’abord notre vocation de soignants », rappelle Jean Sibilia, évoquant dans un courrier à ses étudiants le « combat biologique sans précédent » auquel ils font face. Le doyen de la Faculté de médecine, rhumatologue, a repris avec engagement son activité de praticien. Il a la gestion, avec son interne, de quinze lits de patients post-urgence à l’hôpital de Hautepierre. Son adjoint, le vice-doyen Bernard Goichot, médecin interniste, est responsable des unités Covid dans le même établissement. Tous les hôpitaux ont été réorganisés pour faire face à l’afflux supplémentaires de patients, notamment en réanimation.

Les étudiants en santé ne sont pas en reste, qui se mobilisent « de façon extraordinaire », insiste Jean Sibilia. Une réserve sanitaire a été constituée dès les premiers signes de la pandémie, de façon pionnière en France. Tous les étudiants en santé peuvent s’y inscrire, sur la base du volontariat. Gérée par Elodie Fels (vice-doyenne étudiante de la Faculté de médecine) et Grégoire Hattenberger (vice-doyen étudiant de la Faculté d’odontologie), elle s’adapte aux besoins des établissements hospitaliers de la région, recensés par des correspondants locaux, le tout sous la supervision du CHU, en coopération directe avec l’Agence régionale de santé (ARS).

Les internes, étudiants de 3e cycle, 250 dans la réserve sanitaire (chiffre au 24/03/2020) sont en effet en première ligne : en fonction de leurs compétences, ils peuvent être réaffectés dans un service en tension pour faire face à la crise, et ceux ayant déjà fait un stage de réanimation sont sollicités pour soutenir ces équipes, particulièrement exposées. « N’oublions pas non plus, hors de l’hôpital, les 40 % d'internes de médecine générale, qui sont des acteurs très importants dans ce combat », tient à préciser Jean Sibilia.

Solidarité

Quand ils ne s’engagent pas dans la réserve sanitaire, les étudiants des autres facultés de santé s’impliquent également à leur niveau dans l’effort de soin. Ainsi, une vingtaine d’étudiants et des enseignants de la Faculté de pharmacie, solidaires des Hôpitaux universitaires qui en manquent, se sont lancés dans la production de solution hydro-alcoolique (SHA), dans les locaux ultra-sécurisés d’EASE. En chirurgie dentaire, les étudiants viennent assister les titulaires séniors et les internes au service d’urgence qui est assuré quotidiennement ; ils sont mobilisables également en soutien des services médicaux. Étudiants en premier cycle de maïeutique (sages-femmes) et en soins infirmiers peuvent aussi se porter volontaires pour assurer la garde des enfants de soignants. Des étudiants en maïeutique du 2e cycle, volontaires et spécialement formés, couvrent 24h/24 les gardes en salle de naissance. « Le renfort de ces étudiants a permis jusqu’à aujourd’hui au père d’assister à la naissance de son enfant », précise Claude Doyen directrice de l'école de sages-femmes. Les étudiants volontaires peuvent également se voir proposer des vacations pour assurer la prise en charge des patients (brancardage, fonctions supports…) ou soulager les permanences téléphoniques du Samu (15). Autant de bonnes volontés fort utiles, car « il faut s’attendre à des semaines d’effort contre le virus, le pic étant attendu pour mi-avril », souligne encore Jean Sibilia. « L'implication sur le terrain de nos étudiants, que ce soit lors de leurs stages en milieu hospitalo-universitaire, en officine où ils sont en première ligne ou lors d'actions plus ponctuelles, comme la fabrication de SHA, sera valorisée dans leur cursus », complète Jean-Pierre Gies.

Dans leur courrier conjoint du 18 mars, les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur, Olivier Véran et Frédérique Vidal, soulignent que la mobilisation des étudiants ne se fait « qu’à condition [qu’ils soient] formés, protégés et capables d’exercer leurs missions dans les meilleures conditions ». Effectivement, à chaque participant à la réserve sanitaire, une formation spécifique d’hygiène préventive adaptée à l’épidémie de Covid-19 est dispensée. On y apprend notamment, sous forme de programme numérique, comment positionner et retirer un masque chirurgical ou mettre en place un appareil de protection respiratoire. En maïeutique, celle-ci est complétée par une formation spécifique concernant la prise en charge d’une femme enceinte atteinte du Covid-19.

Malgré toutes ces précautions, les soignants paient un lourd tribut : on dénombrait 300 malades parmi les soignants strasbourgeois, mardi 24 mars. Les internes les plus fragiles (malades chroniques, asthme, femmes enceintes…), ainsi que les externes, sont dispensés de stage. Ceci afin d’éviter au maximum qu’ils soient une population infectée et infectante.

Elsa Collobert

Bon à savoir

Veille sanitaire active

Un groupe d’une dizaine d’experts strasbourgeois, sous l’impulsion d’Emmanuel Andres, professeur de médecine interne à la Faculté de médecine de Strasbourg, se mobilise pour assurer un suivi de toutes les publications scientifiques, exponentielles en cette période. Pistes thérapeutiques, de vaccination, observations cliniques (beaucoup tirées des expériences chinoise et italienne) sont recensées sur la plateforme de veille médicale Covid. Objectif : centraliser ces informations afin de simplifier le travail des professionnels de santé. Si le virus progresse vite, la bonne nouvelle c’est que la recherche appliquée aussi : séquençage, mise en place de l’outil de diagnostic « en un mois : du jamais vu ! » selon le doyen de la Faculté de médecine.

Paroles d'internes...

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Tous concentrés vers un même but »

Colin Vercueil, interne de 8e année

« Depuis le mois de novembre, je suis en stage de 3e semestre d’internat au service de réanimation du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Hautepierre. Au ''cœur de la bataille'', donc. A la fin de ma 6e année, j’ai choisi de me spécialiser en oncologie (cancérologie). Dans cette spécialité, c’est très courant de faire un stage en réa, car par la suite on sera forcément confrontés à des cas graves.

Le rythme s’est clairement accéléré, on a doublé notre rythme de garde. On est dix internes pour huit médecins et un chef. Heureusement, on a reçu le renfort d’anciens internes en réanimation, venus de services plus ''calmes'' en ce moment. Ça nous permet de conserver le même nombre de patients chacun, entre trois et six, et c’est très appréciable.

Même si on a très tôt été informés de l’arrivée de cette crise sanitaire, on ne s’attendait pas à une telle ampleur. Pour autant, je trouve l’organisation des HUS très bien ficelée pour y faire face : jusqu’à il y a deux semaines, seul le Nouvel hôpital civil (NHC) accueillait les patients Covid +, dans une stricte répartition des rôles.

Le travail est intense, mais personne ne pense à s’en plaindre. Malgré la gravité de la situation, l’ambiance est à la sérénité, à la concentration de tous vers un même but. A la bienveillance aussi, encore plus qu’avant. Les masques, les barrières sont tombés, entre nous, avec les chefs.

La ''chance'' qu’on a eu dans cette crise, c’est que les internes étaient déjà en poste depuis plusieurs mois, donc bien formés. Je sais déjà que mon stage, prévu pour durer six mois, sera prolongé à sept ou huit mois, jusqu’en juillet.

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On est très soudés, encore plus qu’avant »

Julie Lavaud, interne de 8e année

« Après un stage aux urgences de Sélestat, je suis basée ce semestre dans le service de diabétologie du même hôpital. Mais depuis le Covid-19, tous nos services ont été réorganisés, et il n’y a plus vraiment de classement en spécialités : sur quatre secteurs, trois ont basculé en « gestion Covid ».

S’il faut voir un côté positif à cette crise, c’est que les patients ne viennent plus aux urgences pour de la ''bobologie’’. On peut se concentrer sur les vraies urgences. En journée, je m’occupe principalement des cas non-Covid ; la nuit, de tous les patients, Covid ou non. Fini les gardes où on espérait dormir quelques heures ! La récente réorganisation, parce que les chefs sont pris ailleurs, que les lits de réanimation sont tous occupés ou qu’il faut venir en soutien des internes de premier semestre, fait aussi que je suis plus souvent confrontée à des cas cliniques complexes : il faut agir vite, prendre des responsabilités, c’est hyper formateur. On va en ressortir plus forts, c’est sûr !

Le rythme est très intense, encore plus que d’habitude. Heureusement, le nombre de gardes de 24 heures a été un peu allégé (une toutes les trois jours). Il faut qu’on tienne sur la durée, on n’a pas le droit de flancher ! 

Dans l’équipe, on était déjà très soudés, mais là encore plus qu’avant : on s’envoie tout le temps des messages sur Whatsapp entre co-internes, avec les chefs aussi.

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Penser d'abord à se protéger »

H. E., 3e année post-internat, remplaçante en médecine générale

« En ce moment, je suis en remplacement dans deux cabinets strasbourgeois. Dans le premier, je gère tout seule depuis la semaine dernière, car les deux médecins sont en arrêt maladie – directement ou indirectement à cause du Covid-19. Nous avons décidé de fermer le cabinet, ce que les patients comprennent bien. La priorité, c’est de se protéger et de protéger les patients. Car nous les médecins généralistes, on est en première ligne pour ne pas sur-engorger les urgences : tous ces patients que je rassure, auxquels je fais des ordonnances, sont autant de personnes qui n’iront pas aux urgences ou n’appelleront pas le 15. Ils ont d’abord pour réflexe de joindre leur médecin traitant. Dans quelques rares cas, de lourdes pathologies ou de suspicion de Covid-19, je les convoque. Pour les autres, j’arrive encore à gérer en téléconsultation (qui se finissent souvent en échange téléphonique, quand les patients ne s’en sortent pas avec l’informatique).

Dans le deuxième cabinet, la situation est un peu différente, puisque les rendez-vous sont maintenus. Depuis le confinement, le flux de patients s'est nettement calmé. Nous limitons l'accès à la salle d'attente à quatre patients seulement, pour que les mesures barrières soient bien respectées. Chaque personne entrant dans le cabinet se lave les mains. Dès que quelqu’un présente des signes de Covid-19, on lui donne un masque et on désinfecte les surfaces avec lesquelles il a été en contact. Mais on se rend compte de nos limites : impossible d'éliminer tout virus d'une chaise en tissu, ou de stériliser nos instruments comme dans un bloc opératoire. Pour chaque rendez-vous, je porte un masque, une sur-blouse, des gants et des lunettes.

Chaque jour, je passe beaucoup de temps à m’informer des consignes sanitaires officielles et de ce qu’on dit sur les traitements, car tout évolue tellement vite ! Les patients posent de nombreuses questions et parfois se sont même auto-diagnostiqués ! Heureusement, on a beaucoup d’échanges avec les confrères, et les collègues de promo.

Avec toute cette organisation chamboulée, ma soutenance de thèse, qui devait se dérouler en juin, va être repoussée, probablement en septembre...

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